Note
"Geoffroy LE FERRON, écuyer, seigneur de Souchet dit "homo notabilis" à cause de sa bonne renommée et de sa compétence en matière de finance, fut tout d'abord trésorier du duc de Bretagne et eut à ce titre maille à partir avec le trop fameux Gilles de Retz [Gilles de Rais] dont il avait été chargé de confisquer au nom de son suzerain breton un certain nombre de fiefs. Son fils Jean qui était prêtre, fut arrêté par les soudards de Gilles, alors qu'il célébrait la messe dans une église et odieusement jeté en prison. Geoffroy obtint dans la suite les fonctions de conseiller du Roi et de trésorier de France. En 1444, notre aïeul fut injustement et cruellement emprisonné au château de la Roche-sur-Yon et je crois intéressant de relater ici en quelles circonstances. Geoffroy LE FERRON avait été chargé par l'amiral Prégent de Coêtivy, de l'administration de ses biens tant en Bretagne qu'en Saintonge. Comme il se rendait à Taillebourg, auprès de l'amiral, avec une malle contenant des pièces importantes, il dut passer par la Roche-sur-Yon,et ce fut pour son malheur. François Prélati dit Montcatin, capitaine de ce lieu, ayant eu vent de son passage, s'empressa de le faire arrêter, c'était le 7 décembre 1444. Ce François Montcatin, italien d'origine, ancien familier intime de Gilles de Retz, avec lequel il s'était livré à des actes de magie et à des opérations d'alchimie, avait gagné la faveur du Roi René, duc d'Anjou, en lui faisant accroire qu'il connaissait le secret de fabriquer des métaux précieux. Il avait obtenu de lui, en 1442, la capitainerie de la Roche-sur-Yon. Cet aventurier, fourbe et menteur, qui avait été emprisonné à Nantes, en même temps que son maître, Gilles de Retz, prétendait que notre aïeul venait à la Roche-sur-Yon pour l'espionner. Malgré les dénégations de ce dernier, il le fit incarcérer au château. La captivité de Geoffroy devait durer plus de deux mois. D'abord enfermé dans la tour du donjon, notre aïeul fut, peu de temps après, transféré dans une basse fosse très profonde, humide et obscure, où il eut à souffrir du froid très rigoureux en cette saison, d'autant plus que défense était faite à ses geôliers de lui fournir manteaux et couvertures. Le rusé capitaine avait pris ses précautions pour le faire paraître coupable. En effet, deux heures après son arrestation, ordre avait été donné à « ung de ses varlets » d'aller « quérir la boiste du dit FERRON, en l'ostellerie » où ce dernier l'avait fait déposer. Dans cette « boiste » ou plutôt malle, Montcatin découvrit, parmi d'autres papiers, une feuille en blanc signée de l'amiral de Coêtivy. Sur ce papier il fit rédiger une fausse lettre, évidemment compromettante pour notre aïeul, et replacer dans la malle, au milieu des autres papiers, ce faux document. Peu de jours après, Geoffroy fut appelé à comparaître devant une nombreuse assemblée, composée des familiers du fourbe capitaine. En sa présence, on ouvrit la malle, on en sortit les papiers et lecture fut faite de la fausse lettre de l'amiral de Coêtivy destinée, soi-disant au comte du Maine. Cette lettre constituait une preuve terrible, affirmait Montcatin, contre Geoffroy. À vrai dire, tout ce que désirait le capitaine, c'était d'effrayer son prisonnier et en tirer une forte rançon de 25 000 écus d'or. Mais notre aïeul n'entendait pas se laisser faire. Il fallut la torture et tout le simulacre d'une mise à mort pour le décider à composer. En effet, réveillé au milieu de la nuit, dépouillé de ses vêtements et les mains liées, il fut menacé d'être précipité d'une fenêtre de la prison sur les rochers qui bordaient la rivière de l'Yon. Justement effrayé, Geoffroy consentit à signer une cédille par laquelle il s'engageait à donner pour rançon 1.000 écus d'or vieux, douze tasses d'argent, et beaucoup d'autres objets précieux, à la condition toutefois qu'on le remît à la justice du duc d'Anjou. Montcatin furieux redoubla de mauvais traitements contre son prisonnier. Informé de ce qui se passait, le duc d'Anjou délégua Jean de la Forêt, son connétable, à la Roche-sur-Yon, muni d'une commission en règle. En présence du capitaine, l'officier ducal demanda que le prisonnier lui fut remis pour le conduire à son suzerain. Évidemment, refus de Montcatin, qui prétendit mener lui-même son prisonnier au duc. Effectivement, il fit sortir le captif de son cachot et, le faisant monter à cheval, partit avec lui, accompagné d'une importante suite soigneusement armée. En réalité, cette sortie n'était qu'une feinte du rusé châtelain. En effet, dès que la nuit fut venue, la troupe, son chef et le prisonnier revinrent dans la citadelle. Geoffroy fut de nouveau incarcéré et de nouveau durement traité. Sa famille recourut alors au lieutenant du Roi en Poitou, qui disposait de forces considérables et semblait seul capable de venir à bout de la troupe de brigands qui peuplaient le château de la Roche-sur-Yon. Se mettant à la tête d'une simple compagnie d'hommes d'armes et assisté du procureur général du Roi en Poitou, l'officier royal se présenta devant le château dans le but de réclamer le prisonnier et de connaître les charges qui pesaient sur lui, si toutefois il en existait. Montcatin, bien entendu, refusa de livrer son captif et, pour tout motif, prétendit que c'était un « mauvais garniment ». Il affirma d'ailleurs en avoir écrit au Roi et attendre la réponse de ce dernier à laquelle il promettait de se soumettre. Mais, le capitaine, comme toujours, était de mauvaise foi. 80 hommes d'armes, sortant du château, vinrent attaquer à l'improviste la petite troupe royale. Se servant de leurs arbalètes, ils mirent à mort deux soldats et en blessèrent 6 autres, dont le lieutenant du Roi. Leur lâche attaque terminée, les assaillants rentrèrent dans leur citadelle et la petite troupe royale décimée quitta le pays sans avoir obtenu aucun résultat. Pendant ce temps, Geoffroy gisait toujours dans la basse fosse du donjon, à demi mort de froid et de privations. Sentant venir sa dernière heure, il voulut mettre sa conscience en règle ; mais, l'assistance d'un prêtre ou d'un religieux lui ayant été refusée, il se confessa au seigneur Jean de la Brunetière, l'un des hommes du capitaine. Montcatin, dont l'intérêt n'était pas de voir mourir notre aïeul, mais bien d'en tirer de l'argent, le fit sortir de sa fosse, évanoui d'ailleurs, et ranimer auprès d'un bon feu. Un officier du duc d'Anjou, ainsi que le procureur de ce dernier, furent sur les entrefaites dépêchés à la Roche-sur-Yon, porteur d'un commandement ordonnant la mise en liberté du prisonnier. Comme on s'en doute, l'inflexible capitaine refusa la libération demandée et, exhibant la fausse lettre écrite par lui et signée de l'amiral de Coêtivy, exigea la rançon jadis acceptée par le captif. Les officiers ducaux durent s'incliner à contrecœur et payèrent la rançon réclamée. Quelque temps après, le conseil du Roi, ayant été saisi d'une plainte de Geoffroy qui demandait justice contre le perfide capitaine et ses affidés, condamna Montcatin, et l'un de ses comparses à mourir sur le bûcher en mars 1446." (Robert Fradin de La Renaudière : Une Vieille Famille de France, Les Fradin du XIIIe à nos Jours, 1955, pages 103 à 105).