Note
Chevalier et Seigneur de la Faye et de Fresne-en-Brie, il est qualifié "Messire". Sa carrière de magistrat le conduit au parquet du Châtelet, à Paris (75), où il est Avocat, le 29 avril 1690, puis il est Avocat-Général au Parlement de Paris le 12 janvier 1691 et Procureur Général le 19 septembre 1700. Comme avocat général, il plaide pour le Roi, le Public et la Loi, défend les droits de l'Église, des mineurs et des communautés. En 1700, il devient chef de la "Magistrature debout". Il travaille activement à la réforme du système judiciaire. Il est Conseiller du Roi en ses Conseils d'État et Privé, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, président en son grand conseil et intendant de la province de Guyenne. Le 2 février 1717, il est nommé Chancelier de France par le Régent et prête serment au Roi le lendemain. Il reçoit aussi la charge de Grand Trésorier Commandeur des Ordres du Roi le 31 juillet 1736. Il est élu Honoraire de l'Académie Royale des Sciences le 24 avril 1728, Commandeur des Ordres du Roi le 31 juillet 1736. On dit qu'il parlait latin, grec, hébreu et d'autres langues orientales, mais aussi l'italien, l'espagnol, le portugais et l'anglais. Il disait que "c'étoit un amusement d'apprendre une langue". Le 5 avril 1740, il rend aveu pour sa terre de Faye, en Touraine, relevant du château de Sonnais (C568). Edmond Barbier raconte, dans sa 'Chronique de la Régence et du Règne de Louis XV' (Paris, 1885), tome 5, p. 20 (février 1751) : "M. d'Aguesseau, chancelier honoraire, est mort le 9 de ce mois, âgé de quatre-vingt-deux ans et quelques mois ;il avoit été avocat général au Parlement, à vingt-deux ans ; procureur général à trente-huit, et chancelier de [p. 21] France à quarante-huit ans, en 1717. Il a eu bien des révolutions dans cette charge. On lui a ôté les sceaux plusieurs fois (En note, de Barbier d'Increville : M. Voisin étant mort en 1717, M. d'Aguesseau a été nommé. On lui a ôté les sceaux en 1718 ; on les lui a rendus en 1720. On les lui a ôtés en 1722, pour les donner à M. d'Armenonville. En 1727, on a ôté les sceaux à M. d'Armenonville. On a rappelé M. d'Aguesseau, mais on ne lui a pas rendu les sceaux, qu'on a donnés à M. Chauvelin. M. Chauvelin les a gardés jusqu'en 1737. Alors on les a rendus à M. d'Aguesseau, qui les a conservés jusqu'à sa mort,). C'étoit un homme très-savant dans le droit public et d'une mémoire supérieure. Mais il n'avoit pas l'esprit de politique propre à la Cour. Il a été enterré dans le cimetière de l'église d'Auteuil, près Paris, où étoit le corps de madame d'Ormesson, sa femme. Il laisse deux fils, conseillers d'État : l'aîné est assez aimé et estimé ; le cadet, M. d'Aguesseau de Fresnes, qui faisoit depuis longtemps le petit chancelier, s'est fait haïr de tout le monde ; son crédit est bien tombé." On trouve dans 'Discours et Morceaux Choisis de M. le Chancelier d'Aguesseau' (édition de 1820, chez Depelafol, Libraire à Paris), pages 1 et suivantes, un résumé de sa vie : "Vie de M. le Chancelier d'Aguesseau." "Henri-François d'AGUESSEAU, chancelier de France, commandeur des ordres du roi, né à Limoges le 27 novembre 1668, doit être mis au rang des hommes illustres, soit comme savant, soit comme magistrat. Il étoit descendu, du côté paternel et du côté maternel, de familles distinguées par leur ancienneté et par leurs services. Henri d'Aguesseau, conseiller d'état et au conseil royal, son père, et Claire Le Picart de Périgny, sa mère, lui fournissoient deux grands [p. 2] modèles ; et l'on reconnoissoit en lui leurs différens caractères. Il avoit un cœur vertueux, plein de douceur et de bonté, un esprit élevé, une imagination féconde en grandes images, qui lui fournissoit sans efforts les expressions les plus lumineuses, et qui étoit toujours conduite par la raison ; une facilité surprenante pour apprendre, avec une mémoire prodigieuse qui acquéroit toujours, sans rien perdre de ce qu'elle avoit acquis. Son père fut presque son seul maître. Il avoit senti, dès son enfance, tout ce qu'il pouvoit en attendre, et s'appliquoit à l'instruire même dans le temps où des conjonctures difficiles lui donnoient le plus d'occupations dans l'intendance du Languedoc. Les fréquens voyages qu'il étoit obligé de faire, étoient pour son fils, qui [p. 3] l'accompagnoient [sic] toujours avec quelques personnes d'esprit, autant d'exercices littéraires. Une telle éducation lui donna tant d'ardeur pour les sciences, qu'il parvint à les réunir presque toutes. Il savoit la langue française, non par le seul usage, mais par principes ; le latin, le grec, l'hébreu, et d'autres langues orientales ; l'italien, l'espagnol, le portugais et l'anglais. Aussi il disoit quelquefois que c'étoit un amusement d'apprendre une langue. La lecture des anciens poètes fut, selon son expression, une passion de sa jeunesse. La société de deux grands poètes français, Racine et Boileau, faisoit alors ses délices, et il ne s'en permettoit point d'autres : lui-même faisoit de très-beaux vers, et conserva ce talent jusqu'à ses dernières années. Quoiqu'il [p. 4] le cachât, on le reconnoissoit dans sa prose même, qui avoit le feu noble et l'harmonie de la poésie. Son père, qui lui avoit fait apprendre exactement les règles de l'art oratoire, l'engagea, après l'avoir appliqué ensuite à la philosophie, à lire encore pendant une année les anciens orateurs. Il le mit par là en état de les atteindre, en y joignant l'art de raisonner, si nécessaire sur-tout dans le genre de l'éloquence qui a pour objet d'affermir l'autorité de la justice. Jamais il ne connut ni ne voulut employer d'autres moyens pour faire adopter ses pensées. Les ouvrages de Descartes, que son père ne lui fit lire qu'après ceux qui étoient dans le goût de la philosophie d'Aristote, lui firent sentir, par la seule comparaison des uns aux autres, les avantages de cet ordre [p. 65] qui, en partant d'un point évident, conduit à une démonstration assurée. L'usage qu'il en faisoit dans les matières de droit y répandoit le plus grand jour. Il aimoit sur-tout les mathématiques : on l'a vu souvent, lorsqu'il étoit fatigué des affaires, prendre un livre de géométrie ou d'algèbre. C'étoit un plaisir qu'il substituoit à ceux qui dissipent l'esprit loin de le ranimer. Son principe étoit, que le changement d'occupation est seul un délassement ; et ce fut ainsi qu'au milieu des fonctions les plus pénibles il trouva les moyens d'étendre toujours ses connoissances jusqu'à la fin de sa vie. Il ne faisoit aucun voyage, sans lire en chemin des ouvrages de philosophie, d'histoire ou de critique. On sait jusqu'à quel point il avoit approfondi la science de son état. Il [p. 6] avoit lu et médité les lois tirées des jurisconsultes romains, auxquelles il donnoit la préférence ; les constitutions des empereurs, grecques et latines ; les ordonnances de nos rois, les coutumes dont il avoit recherché la source dans les antiquités du droit féodal et de la monarchie française ; et s'étoit encore instruit des lois et des formes observées dans les autres États. Avec toutes ces sciences et un génie supérieur dont les premières idées étoient toujours sûres, M. d'Aguesseau avoit une défiance extrême de ses lumières. Il en faisoit usage, non pour paroître au-dessus des autres ; mais pour leur être utile; et il étoit le seul qui ne s'aperçût pas de tout le bien qu'il faisoit. Les principes de religion qu'il suivit toute sa vie, avoient éloigné de lui toutes les [p. 7] passions et toute autre vue que celle de faire du bien. Il ne pensa pas seulement à tirer aucune autre espèce d'avantage des places qui vinrent le chercher, pendant qu'en philosophe chrétien il n'aspiroit ni au crédit, ni aux biens, ni aux honneurs. Il avoit fait le premier essai de ses talens dans la charge d'avocat du roi au Châtelêt, où il entra à l'âge de vingt-un ans : et quoiqu'il ne l'eût exercée que quelques mois, son père ne douta pas qu'il ne fût capable de remplir une troisième charge d'avocat général au parlement, qui venoit d'être créée. Le feu roi la lui donna par préférence à un autre sujet, en disant qu'il connoissoit assez le père pour être assuré qu'il ne voudrait pas le tromper, même dans le témoignage qu'il lui avoit rendu de son fils. Il y parut [p. 8] d'abord avec tant d'éclat, que le célèbre Denis Talon, alors président à mortier, dit qu'il voudroit finir comme ce jeune homme commençoit. Il suffisoit à une multitude d'affaires, les traitoit toutes à fond ; et souvent il découvroit des lois, des pièces, ou des raisons décisives qui avoient échappé aux défenseurs des parties. Il réunissoit à l'érudition, l'ordre et la clarté des idées, la force du raisonnement et l'éloquence la plus brillante ; ce qui auroit fait croire que chacun de ses plaidoyers étoit le fruit d'une longue préparation. Cependant il n'en écrivoit ordinairement que le plan, et réservoit le travail d'une composition exacte pour les grandes causes, ou pour les réquisitoires qu'il fit lorsqu'il fut devenu premier avocat général, et dont quelques-uns ont [p. 9] été imprimés. Ses harangues étoient regardées comme des chefs-d'œuvre d'éloquence. Il employoit le loisir de la campagne, pendant les vacances, à les composer, et à goûter au milieu de sa famille la douceur de la vie privée, et de la société de quelques amis savans. Il en jouissoit tranquillement, lorsqu'on vint lui apprendre qu'il avoit été nommé à la charge de procureur-général. Louis XIV l'avoit choisi pour la remplir, sur ce que le premier président de Harlay lui avoit dit de son mérite, quoiqu'il n'eût alors que trente-deux ans ; et s'étoit fait un plaisir d'apprendre lui-même ce choix à M. d'Aguesseau son père. À cette nouvelle, il ne pensa qu'à l'étendue des devoirs attachés à cette place, et les remplit tous avec une égale supériorité. Il [p. 10] montra sa sagesse et sa vigilance dans le détail de l'administration des hôpitaux, dans ses vues pour le soulagement des pauvres des provinces, et dans les calamités publiques, telle que la disette de 1709 qu'il avoit prévue le premier sur des observations qu'il fit à sa campagne, et dont il avoit indiqué le remède, en conseillant de faire venir des blés avant que le mal eût produit une alarme générale. Le criminel lui étoit plus à charge, la sévérité étant opposée à son caractère ; et il se félicitoit lorsque son ministère ne l'obligeoit pas de rien ajouter à celle des premiers juges. Ses observations sur les lois qui concernent l'instruction criminelle, qui lui servirent depuis pour les perfectionner, et ses réponses aux lettres des officiers du ressort du parlement, [p. 11] formoient comme une suite de décisions sur la jurisprudence et sur leur discipline. Les affaires du domaine fournissoient un champ vaste et plus agréable à ses recherches et à son éloquence, qui brilloit encore dans ses mercuriales. Dans celle qu'il fit après la mort de M. le Nain, son ami, et son successeur dans la charge d'avocat général, il plaça un portrait de ce magistrat qui fit une impression si forte sur lui même et sur les auditeurs, qu'il fut obligé de s'arrêter tout à la fois par sa propre douleur et par des applaudissemens qui s'élevèrent au même instant. Il fut l'auteur de plusieurs réglemens autorisés par des arrêts, et chargé de la rédaction de plusieurs lois par M. le Chancelier de Pontchartrain, qui lui prédit qu'il le remplaceroit un jour. [p. 12] D'autres ministres, et le roi lui-même, lui demandoient souvent des mémoires, qui étoient tous aussi solides que bien écrits. Il représentoit avec autant de candeur que de respect ce qu'il pensoit être du devoir indispensable de son ministère ; et on le crut menacé d'une disgrâce à la fin du règne précédent. Au commencement de la régence, il fut honoré de la plus grande confiance, même sur les affaires d'état, par M. le duc d'Orléans. Quoiqu'instruit des dispositions de ce prince à son égard, il venoit de refuser de faire aucune démarche pour son élévation, lorsque M. le Chancelier Voisin mourut d'apoplexie la nuit du 22 février 1717. Dès le matin, M. le régent l'envoya chercher : il étoit sorti. Ce prince envoya chez lui de nouveau, et lui [p. 13] apprit ensuite que son empressement étoit pour le nommer Chancelier, sans vouloir écouter ses représentations. Jamais choix ne fut plus applaudi ; et l'on s'étonnoit de le voir à quarante-huit ans et quelques mois conduit jusqu'à la première charge du royaume,sans en avoir jamais demandé ni désiré aucune. Il y fut bientôt exposé a des orages ; il les vit se former sans chercher à les détourner, éclater sans en être ébranlé, et finir sans ressentiment, en s'attirant même l'estime et l'amitié de la plupart de ceux qui y avoient contribué. Sa première disgrâce arriva à la fin de janvier 1718. M. le régent lui envoya redemander les sceaux, et lui ordonna de se retirer dans sa terre de Fresnes. En 1720, il reçut ordre d'en revenir sans l'avoir sollicité, et les [p. 14] sceaux lui furent rendus. Ils lui furent ôtés pour la seconde fois, et il retourna à Fresnes au mois de février 1722. Il n'en fut rappelé qu'au mois d'août 1727, et reprit alors l'exercice d'une grande partie des fonctions dont il avoit été chargé auparavant ; mais les sceaux ne lui furent remis qu'en 1737. Maître de son temps pendant ses deux séjours à Fresnes, il en employa une partie à l'étude des livres sacrés, sur lesquels il fit des notes savantes, après avoir comparé les textes écrits en différentes langues ; une autre partie à rédiger les vues qu'il avoit conçues sur la législation ; une autre à exercer lui-même ses enfans sur les belles-lettres et sur le droit, et à composer pour eux un excellent plan d'études. Les mathématiques, la physique, la poésie, l'agriculture, les [p. 15] plans, qu'il se plaisoit à faire exécuter sous ses yeux, et dans lesquels même on reconnoissoit la beauté de son génie, étoient ses amusemens. Ceux qui excelloient dans les beaux-arts et dans les sciences, s'empressoient de venir profiter de son loisir et de ses réflexions. En le suivant dans ce genre de vie, on auroit cru qu'il n'en avoit jamais connu d'autre. Il disoit lui-même quelquefois qu'il s'appliquoit à ces objets par goût, et aux affaires uniquementpar devoir. Cependant on ne s'aperçut pas davantage, lorsqu'il recommença à s'en acquitter, qu'il eût cessé d'y penser pendant plusieurs années. Il se livra aussitôt à un travail infatigable, qu'une santé conservée par la sobriété et l'éloignement de tout excès, lui fit soutenir jusque dans l'âge le plus [p. 16] avancé, qui ne diminua rien de la fleur de son esprit. On trouvoit en lui l'interprète des lois le plus éclairé, le magistrat le plus attentif à les faire observer, et le plus sage législateur. Dans les assemblées dont il étoit le chef, il écoutoit les réflexions de chacun sans laisser apercevoir les siennes ; ensuite il développoit les vrais principes, en faisant sentir avec ménagement, et comme en passant, ce qui pouvoit n'y être pas assez conforme ; et il finissoit par des raisons si fortes et si frappantes, que les uns se réunissoient à l'avis qu'il trouvoit le meilleur, les autres étoient surpris de ne les avoir pas proposées pour le soutenir ; et quelquefois tous revenoient à un avis que lui seul avoit ouvert. Il employoit la persuasion et l'exemple pour maintenir l'autorité [p. 17] de la loi ; et s'il falloit la faire parler avec force pour rappeler au devoir, ses expressions étoient moins le langage d'un supérieur que celui d'un père. Il se faisoit un plaisir de marquer sa confiance aux magistrats qui se distinguoient dans chaque province, de leur procurer souvent à leur insçu des bienfaits du roi, que le désir de récompenser le mérite pouvoit seul l'engager à solliciter. Ses lettres aux premiers magistrats étoient également remplies d'instructions et de sentiment. Aussi ils l'aimoient autant qu'ils l'admiroient, et le regardoient comme leur modèle et leur oracle. Il n'étoit pas moins aimé et honoré des savans même étrangers, qui trouvoient en lui un protecteur et une source de lumières. Dans la dernière année de sa vie, il fut consulté, et écrivit une [p. 18] lettre remplie de réflexions aussi solides que savantes qui furent suivies dans la réformation du calendrier qui se fit en Angleterre. Ses vues sur la législation répondoient à l'élévation et à la maturité de son esprit : elles tendoient à établir une entière uniformité dans l'exécution de chacune des anciennes lois, sans en changer le fond, et à y ajouter ce qui pouvoit manquer à leur perfection. Pour bien exécuter chaque partie d'un plan si étendu, il se proposa de travailler successivement à des lois qui se rapportoient à trois objets principaux ; les questions de droit, la forme de l'instruction judiciaire, et l'ordre des tribunaux. Sur chaque matière, il prenoit les avis des principaux magistrats des compagnies et de plusieurs personnes du conseil, rédigeoit [p. 19] lui-même les décisions, retouchoit plusieurs fois ce qu'il avoit rédigé, et consultoit encore des jurisconsultes et des magistrats distingués, avant que d'y mettre la dernière main. Ainsi chaque loi étoit l'ouvrage d'une longue méditation, et elle étoit reçue avec d'autant plus de confiance, qu'elle avoit été précédée d'un plus grand examen. S'il restoit encore quelques doutes, des lettres dignes du législateur les faisoient bientôt disparoître. Les ordonnances sur les donations, les testamens et les substitutions, remplirent en grande partie le premier objet : les ordonnances sur la poursuite du faux, et sur les évocations et les réglemens de juges, concernent le second ; aussi bien que le réglement du conseil de 1738, par lequel il procura aux parties dont les affaires [p. 20] étoient décidées sous ses yeux, une forme de procéder aussi sûre qu'abrégée : la réunion qu'il fit des sièges royaux établis dans les mêmes villes, pour diminuer les degrés de juridiction, et plusieurs déclarations sur les fonctions de différentes compagnies ou d'autres officiers, se rapportent au troisième objet. Il fit encore travailler à la réformation et à l'autorisation de quelques coutumes. Des travaux si immenses ne faisoient aucun tort au travail ordinaire de sa charge ; souvent même il entroit dans la discussion la plus exacte de quelques affaires particulières, par compassion pour des malheureux à qui il fournissoit des secours dont ils ignoroient l'auteur. Dans le cours de l'année 1750, il se vit obligé par des infirmités douloureuses d'interrompre souvent [p. 21] son travail, et résolut de quitter sa place : pensant, comme il l'expliqua lui-même, que la providence l'y ayant appelé, lui avoit imposé l'obligation de la conserver tant qu'il avoit pu s'acquitter de tous ses devoirs ; mais que sa santé ne lui permettant plus d'en remplir qu'une partie, la même providence lui donnoit un ordre contraire. Il écrivit donc au roi pour lui demander la permission de donner sa démission. Il la dicta lui-même, et fit, jusque dans cette occasion, des recherches dans des manuscrits de sa bibliothèque. Il en signa l'acte le jour même qu'il finissoit sa quatre-vingt-deuxième année, après avoir été revêtu de la dignité de Chancelier pendant près de trente-quatre ans. Le lendemain il le remit au comte [p. 22] de Saint-Florentin, secrétaire d'état ; et ses deux fils allèrent avec ce ministre remettre les sceaux au roi, qui lui conserva les honneurs de cette dignité, avec 100,000 livres de pension. Il en jouit peu de temps, et ne fut plus occupé qu'à faire usage, dans ses douleurs qui augmentoient de plus en plus, des expressions de l'écriture, qui lui étoient toujours présentes, n'ayant passé aucun jour depuis son enfance sans la lire. Il mourut le 9 février 1751. Il avoit épousé, en 1694, Anne Lefèvre d'Ormesson, qui étoit morte à Auteuil le1er. Décembre 1735 : il voulut être enterré auprès d'elle dans le cimetière de cette paroisse, pour partager, même après sa mort, l'humilité chrétienne d'une femme digne de lui. On peut voir [p. 23] dans ce cimetière leurs épitaphes, au pied d'une croix que leurs enfans ont fait placer auprès de leur sépulture, dont les marbres ont été donnés par le roi."
Note
Henri François d'Aguesseau et Anne Lefèvre d'Ormesson sont enterrés côte à côte, au "Cimetière de la Paroisse d'Auteuil. [… …] On voit leurs épitaphes au pied de la Croix du Cimetière d'Auteuil, que leurs enfants ont fait élever & dont le Roi a donné les marbres." (François de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la Noblesse).