Sépulture
Son coeur est porté à l'abbaye d'Anchin.
Note
Religieux, il est Abbé de Bon-Port, Mouzon, Bégard, Corbie et Anchin. Il fait partie des 40 de l'Académie Française. Ambassadeur Extraordinaire en Pologne, Auditeur de Rote à Rome, Ambassadeur Plénitotentiaire pour le traité de paix d'Utrecht. Nommé Cardinal-Prêtre de Ste-Marie-des-Anges le 30 janvier 1713 par le Pape Clément XI ; Maître de la Chapelle du Roy ; Ambassadeur Extraordinaire à Rome ; Archevêque d'Auch, Primat d'Aquitaine de la Novempopulanie et du Royaume de Navarre en novembre 1725 ; Il est reçu Prélat-Commandeur des Ordres du Roy le 1er janvier 1733. Il est encore Grand-Maître de l'Ordre du St-Esprit de Montpellier (34) le 3 novembre 1716. Saint-Simon lui consacre de nombreux articles dans ses Mémoires et je n'en donne qu'un à titre d'exemple : "Avant que de finir cette année (1705), il faut ébaucher une anecdote dont la suite se retrouvera dans son temps. L'abbé de Polignac, après ses aventures de Pologne et l'exil dont elles furent suivies, était enfin revenu sur l'eau. C'était un grand homme très bien fait avec un beau visage, beaucoup d'esprit, surtout de grâces et de manières, toute sorte de savoir, avec le débit le plus agréable, la voix touchante, une éloquence douce, insinuante, mâle, des termes justes, des tours charmants, une expressin particulière ; tout coulait de source, tout persuadait. Personne n'avait plus de belles-lettres ; ravissant à mettre les choses les plus abstraites à la portée commune, amusant en récits, et possédant l'écorce de tous les arts, de toutes les fabriques, de tous les métiers. Ce qui appartenait au sien, au savoir et à la profession ecclésiastique, c'était où il était le moins versé. Il voulait plaire au valet, à la servante, comme au maître et à la maîtresse. Il butait toujours à toucher le coeur, l'esprit et les yeux. On se croyait aisément de l'esprit et des connaissances dans sa conversation ; elle était en la proportion des personnes avec qui il s'entretenait, et sa douceur et sa complaisance faisaient aimer sa personne et admirer ses talents ; d'ailleurs tout occupé de son ambition, sans amitié, sans reconnaissance, sans aucun sentiment que pour soi ; faux, dissipateur, sans choix sur les moyens d'arriver, sans retenue ni pour Dieu, ni pour les hommes, mais avec des voiles et de la délicatesse qui lui faisaient des dupes ; galant surtout, plus par facilité, par coquetterie, par ambition que par débauche ; et si le coeur était faux et l'âme peu correcte, le jugement était nul, les mesures erronées et nulle justesse dans l'esprit, ce qui, avec les dehors les plus grâcieux et les plus trompeurs, a toujours fait périr entre ses mains toutes les affaires qui lui ont été commises. Avec une figure et des talents si propres à imposer, il était aidé par une naissance à laquelle les biens ne répondaient pas, ce qui écartait l'envie et lui conciliait la faveur et les désirs. Les dames de la cour les plus aimables, celles d'un âge supérieur les plus considérables, les hommes les plus distingués par leur place ou par leur considération, les personnes des deux sexes qui donnaient le plus de ton, il les avait tous gagnés. Le cardinalat était de tout temps son grand point de vue. Deux fois il avait entrepris une licence, deux fois il l'avait abandonnée. Les bancs, le séminaire, l'apprentissage de l'épiscopat, toutes ces choses lui puaient, il n'avait pu s'y captiver. Il lui fallait du grand, du vaste, des affaires, de l'intrigue. Celles du cardinal de Bouillon, auquel il s'était attaché, l'avaient fort écarté, et plus d'une fois, avaient pensé le perdre. Torcy, que pour ses vues, il avait toujours particulièrement cultivé, lavait sauvé plusieurs fois, et était toujours son ami intime, et depuis ce dernier retour, toute la fleur de la cour l'environnait sans cesse, il y brillait avec éclat, il en faisait les délices. Le roi même s'était rendu à lui par M. du Maine, à la femme duquel il s'était livré. Il était de tous les voyages de Marly, et c'était à qui jouirait de ses charmes. Il en avait pour toutes sortes d'états, de personnes, d'esprits. Avec tout le sien, il lui échappa une flatterie dont la misère fut relevée, et dont le mot est demeuré dans le souvenir et le mépris du courtisan. Il suivait le roi dans ses jardins de Marly, la pluie vint ; le roi lui fit une honnêteté sur son habit peu propre à le parer. Ce n'est rien, sire, répondit-il ; la pluie de Marly ne mouille point. On en rit frt, et ce mot lui fut fort reproché. Dans une situation si agréable, celle de Nangis qui était permanente, celle où il avait vu Maulévrier un temps, excita son envie. Il chercha à participer au même bonheur ; il prit les mêmes routes, Mme d'O, la maréchale de Coeuvres, devinrent ses amies, il chercha à se faire entendre et il fut entendu. Bientôt, il affronta le danger des Suisses, les belles nuits, dans les jardins de Marly. Nangis en pâlit. Maulévrier, bien que hors de la gamme, à son retour en augmenta de rage. L'abbé eut leur sort : tout fut aperçu ; on s'en parla tout bas, le silence d'ailleurs fort observé. Triompher de son âge ne lui suffit pas, il voualit du plus solide. Les arts, les lettres, le savoir, les affaires qu'il avait maniées, le faisaient aspirer à être reçu dans le cabinet de Mgr le duc de Bourgogne, dont il se promettait tout s'il pouvait y être admis. Pour y aborder, il fallut gagner ceux qui en avaient la clef. C'est le duc de Beauvilliers qui, après l'éducation achevée, avait conservé toute le confiance du jeune prince. Son ministère et sa charge occupaient tout son temps. Il n'était ni savant, ni homme de beaucoup de lettres, l'abbé n'était lié avec personne qui le fût avec lui ; il ne put donc frapper là directement. Mais le duc de Chevreuse, en apparence moins occupé (et cet en apparence j'aurai bientôt lieu de l'expliquer), Chevreuse, dis-je, parut à l'abbé plus accessible. Il l'était par les lettres et les sciences, et une fois entamé, il était facile ; ce fut par là qu'il fut attaqué. Tourné d'abord dans le peu de moments qu'il paraissait chez le roi en public, tenté par l'hameçon de quelque problème, ou de quelque question curieuse à approfondir, arrêté après aisément et longtemps dans la galerie, l'abbé de Polignac s'ouvrit la porte de son appartement si ordinairement fermée. En peu de temps, il charma M. de Chevreuse, il eut d'heureux hasards d'y voir arriver M. de Beauvilliers, il paru discret, retenu, fugitif. Peu à peu, il se fit retenir en des moments de loisir. Chevreuse le vanta à son beau-frère ; l'abbé épiait tous les moments ; les deux duc n'étaient qu'un coeur et qu'une âme ; plaisant à l'un, il plut à l'autre, et reçu chez le duc de Chevreuse, il le fut bientôt chez le duc de Beauvilliers. C'étaient deux hommes uniquement occupés, n'osant dire noyés, dans leur devoirs, et qui, au milieu de la cour où leurs places et leur faveur les rendait des personnages, y vivaient comme dans un ermitage, dans la plus volontaire ignorance de ce qui se passait autour d'eux. Charmés de l'abbé de Polignac, et n'en connaissant rien de plus, tous deux crurent faire un grand bien d'approcher un homme si agréablement instruit de Mgr le duc de Bourgogne, qui l'était tant lui-même, et si capable de s'amuser et de profiter encore dans des conversations telles que Polignac saurait avoir avec lui. Le résoudre, le vouloir, l'exécuter, fut pour eux une même chose ; et voilà l'abbé au comble de ses souhaits. Nous verrons dans quelque temps jusqu'où il se poussa avec le jeune prince ; ce n'est pas encore le temps d'en parler, mais celui de revenir un peu sur nos pas. Je vis tout le manège de Polignac autour de Chevreuse. Malheureusement pour moi, la charité ne me tenait pas renfermé dans une bouteille comme les deux ducs. J'allais un soir à Marly, comme je faisais presque tous les jours, causer chez le duc de Beauvilliers tête à tête. Dès lors sa confiance dépassait mon âge de bien loin, et j'étais à portée et même dans l'usage de lui parler de tout, et sur lui-même. Je lui dis donc ce que je remarquais depuis un temps de l'abbé de Polignac et du duc de Chevreuse ; j'ajoutai qu'il n'y avait pas deux autres hommes à la cour qui se convinssent moins que ces deux-là ; que, excepté Torcy, tous les gens avec qui cet abbé avait les plus grandes liaisons étaient par eux de contrebande ; qu'aussi n'était-ce que depuis peu que je voyais former et tout aussi naître cette liaison nouvelle ; que M. de Chevreuse était la dupe de l'abbé, et qu'il n'était que le pont par lequel il se proposait d'aller jusqu'à lui, de le charmer par son langage comme il faisait Chevreuse par les choses savantes ; que le but de tout cela n'était que de s'ouvrir par eux le cabinet de Mgr le duc de Bourgogne. Je m'y prenais trop tard ; Beauvilliers était déjà séduit, mais il n'était pas encore en commerce bien direct, et par conséquent encore il n'était pas question dans son esprit de l'approcher du jeune prince. Eh bien ! me dit-il, où va ce raisonnement, et qu'en concluez-vous ? - Ce que j'en conclus, lui dis-je, c'est que vous ne connaissez ni l'un ni l'autre ce que c'est que l'abbé de Polignac ; vous serez tous les deux ses dupes, vous l'introduirez auprès de Mgr le duc de Bourgogne, c'est tout ce qu'il veut de vous. - Mais quelle duperie y a-t-il à cela ? me dit-il en m'interrompant, et si, en effet ses conversations peuvent être utiles à Mgr le duc de Bourgogne, que peut-on mieux faire que de le mettre à portée d'en profiter ? - Fort bien, lui dis-je, vous m'interrompez et suivez votre idée, et moi je vous prédis, qui le connais bien, que vous êtes les deux hommes de la cour qui lui convenez le moins, qui l'entraveriez le plus, et qu'une fois établi par vous auprès de Mgr le duc de Bourgogne, il le charmera comme une sirène enchanteresse, et vous-même à qui je parle, qui, avec tant de raison, vous croyez si avant dans le coeur et dans l'esprit de votre pupille, il vous expulsera de l'un et de l'autre, et s'y établira sur vos ruines. A ce mot, toute la physionomie du duc changea, il prit un air chagrin et me dit avec austérité : qu'il n'y avait plus moyen de m'entendre, que je passais le but démesurément, que j'avais trop mauvaise opinion de tout le monde, que ce que je prétendais lui prédire n'était ni dans l'idée de l'abbé, ni dans la possibilité des choses, et que, sans pousser la conversation plus loin, il me priait de ne lui en plus parler. Monsieur, lui répondis-je fâché aussi, je vous promets de ne vous en dire jamais un mot. Il demeura quelques moments froid et concentré ; je parlais d'autre chose, il y prit et revint avec moi à son ordinaire. C'est ici qu'il faut s'arrêter jusqu'à un autre temps, et cependant commencer à voir les cruelles révolutions de l'année en laquelle nous allons entrer."